Delphine Brard, Directrice de la Stratégie et de la Communication de La Vie Active

Interview Dircoms12 Minutes3 juillet 2024

Parlez-nous de vous !

J’ai une formation universitaire. Après avoir obtenu une maîtrise de science politique et un DEA de sociologie politique, je me suis tournée vers la communication grâce à un DESS de communication politique et sociale. La communication de crise m’a attirée et j’ai travaillé pendant 3 ans au Service d’Information du Gouvernement (SIG), qui est un service du Premier ministre sur la communication des risques majeurs : risques attentats, risques industriels, risques NRBC (Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, Chimiques), épidémies…

Cette première expérience m’a énormément appris car il fallait coordonner la communication de différents ministères qui n’ont pas forcément les mêmes intérêts en matière politique. C’est là que j’ai appris la patience et surtout la diplomatie qui n’était pas mon fort !

J’ai ensuite travaillé dans différents cabinets ministériels pendant 3 ans : Défense, Social et Santé. Les rythmes de travail étaient très denses mais les sujets étaient passionnants, comme la réserve militaire, le lancement de première journée des aidants, les soins palliatifs, les maladies rares, la prévention du suicide…

J’ai ensuite poursuivi en administration, d’abord à la Direction générale de la santé où les crises sanitaires se succèdent, puis en région à l’Agence régionale de santé Hauts-de-France, puis au niveau départemental à la préfecture du Pas-de-Calais. Je voulais quitter les bureaux du 7eme arrondissement pour avoir une expérience plus proche du terrain. 

Aujourd’hui, je travaille au sein de La Vie Active, une association du secteur social et médico-social reconnue d’utilité publique en 2002, et qui fêtera ses 60 ans cette année. Elle compte 4000 salariés dont 1000 en situation de handicap sur 7 secteurs d’activité de l’enfance aux personnes âgées. Nos principaux financeurs sont l’ARS, les départements et la DDETS.

Quel événement, anecdote ou rencontre a le plus marqué votre parcours professionnel ?

Tout au long de mon parcours, j’ai rencontré des personnes formidables qui m’ont fait confiance. Je pense bien sûr à @Jean Deschard, @Marc Del Grande, @Nora Berra, @Marie-Agnès Egyptienne

Mais ce qui m’a le plus marquée, c’est mon expérience préfectorale en tant que chargée de mission sur les affaires migratoires à Calais. La jungle de Calais a été une expérience humaine extraordinaire. Je m’occupais, en lien avec les différentes associations locales et nationales, de la mise à l’abri des personnes migrantes dans les centres d’accueil et d’orientation qui s’ouvraient partout sur le territoire français. Cette expérience hors norme m’a également permis de rencontrer des personnes elles aussi hors normes ! Je pense à la préfète @Fabienne Buccio auprès de qui j’ai travaillé et qui m’a énormément appris. Elle est bien plus courageuse dans ses décisions que la plupart des décideurs que j’ai pu croiser !

Quels sont les défis business de votre secteur et comment la communication y répond ?

Je ne parlerai pas de business car d’une part, je travaille dans une association à but non lucratif et d’autre part, je crois fondamentalement qu’aucune entreprise ou association devraient donner de l’argent à des actionnaires dès lors que sa mission première est de prendre soin des personnes vulnérables. A ce titre, Orpea a montré qu’on ne peut pas mélanger business et humain car l’argent, et ce n’est pas nouveau, l’emporte sur toutes autres considérations.

Peut-on dans ce cas parler d’enjeux pour votre secteur ?

Tout à fait, c’est un terme qui fait plus sens ! Les enjeux pour le secteur social et médico-social c’est d’abord de nous faire connaître. Contrairement, aux médecins où tout le monde comprend très rapidement ses missions, je ne suis pas sûr que le grand public comprenne ce que fait un moniteur d’atelier au sein d’un ESAT, ni un éducateur spécialisé au sein d’un club de prévention ! Notre secteur a beaucoup d’acronymes mais ce qu’il faut retenir, c’est que nous sommes tous unis pour les personnes que nous accompagnons. Or, en ce moment, les coupes budgétaires se font sur les personnes les plus fragiles. L’objectif est donc de fédérer et de mieux nous faire connaître pour que notre secteur soit mieux reconnu et qu’on lui octroie des moyens à la hauteur des enjeux que nous défendons. Nous serons tous vieux un jour, nous pouvons tous être en situation de handicap, et il est fort à parier que nous deviendrons, si ce n’est déjà fait, aidant à un moment ou un autre de notre vie.

La société de demain se bâtit aujourd’hui et les valeurs que nous défendons sont clairement en contradiction totale avec l’ultra libéralisme qui détruit l’humain ainsi que son environnement !

L’enjeu de notre secteur est de mieux nous faire connaître et d’interpeller les pouvoirs publics sur nos problématiques. 

Vous reconnaissez-vous dans le terme de Business Partner ? Qu’est-ce que ça évoque ou signifie pour vous ?

Là aussi le terme de Business Partner est très éloigné de notre secteur !

Je confirme que la communication a une place centrale. Au sein de mon association, la question de ma participation au Comité exécutif allait de soi et c’est une grande chance. Le fait que je sois Directrice à la fois de la Stratégie et de la Communication donne la ligne politique que mon Président et le Directeur Général ont souhaité donner à ma fonction.

Avant 2018, la fonction communication n’existait pas auparavant au sein de La Vie Active car les associations du secteur social et médico-social n’ont pas pour habitude de valoriser leur travail, de se mettre en avant. Ce n’est clairement pas dans leur culture. Les 90 établissements et services avec lesquels je travaille ont eu beaucoup de mal à mettre en avant leur savoir-faire. Il a fallu, d’abord, gagner leur confiance et montrer que leur travail au quotidien était formidable, qu’il était important de valoriser leurs actions au service des personnes qu’ils accompagnent. Il a fallu convaincre en interne que les réseaux sociaux ont toute leur importance. La communication interne est très importante lorsqu’on débute !

A l’heure où de moins en moins de monde souhaite rejoindre le secteur social, médico-social, il est important de montrer combien ces métiers ont du sens, qu’ils doivent être valorisés. Vous imaginez que nous nous battons en ce moment pour que tous les professionnels aient la prime mensuelle Ségur de 183€ !

Pour revenir à votre question, la communication doit avoir une vraie place au sein de la Direction Générale, ce qui est mon cas !

Pouvez-vous nous parler de l’évolution de la place de la communication dans le secteur social et médico-social ?

Ce n’était vraiment pas dans la culture de notre secteur de communiquer. De plus, les contraintes financières qui pèsent sur les associations sont importantes. Peu d’entre elles ont une chargé.e de communication. 

Mais depuis 6 ans, je peux voir que le secteur a évolué sur la question et est moins réfractaire à communiquer car c’est bien dans son intérêt de faire connaître ses actions et ses valeurs.

La question de la dignité de la personne se pose aussi pour nous. Nous sommes donc très vigilants au droit à l’image et nous gardons comme cap de toujours, et je dis bien toujours, mettre en valeur les personnes que nous accompagnons ainsi que les professionnels.

Je suis ravie de voir que la communication se développe de plus en plus. Notre secteur a, je suis certaine, un potentiel incroyable car nous avons des publics incroyables !  

Considérez-vous l’IA comme un accélérateur ou un détracteur ?

Je regarde l’IA comme une magnifique opportunité d’améliorer notre travail. Pour être honnête, je commence à peine à m’y mettre ! Je suis, par contre, sur Linkedin des personnes qui donnent de nombreuses informations et outils pratiques à ce sujet comme @Chirihanne Kheder ou @Mathieu Albano.

Je mets tous les posts de côté pour m’y mettre dès que j’aurais un peu de temps !

Que donneriez-vous comme conseils à un ou une futur(e) dircom pour prendre sa place de Business Partner ?

Dire tout haut ce que vous pensez ! La communication, ce n’est pas faire plaisir à son supérieur. C’est l’aider à prendre de bonnes décisions. Ne pas hésiter à donner votre point de vue sur la stratégie à adopter, c’est comme cela que vous prendrez toute votre place

Les décisions sont ensuite prises mais en connaissance de cause et grâce à vous !

Minute inspiration : qui recommanderiez-vous de suivre ?

Pour les podcats, je pense évidemment à ceux d’@Arnaud Chevalier
Pour le côté corrosif mais qui touche juste : @Vince leduc spécial
Pour le côté inspiration, @Isabelle de Groot qui réalise des outils de communication adaptés
Pour les sujets santé et femmes, je suis la cardiologue @Claire Mounier-Vehier
Pour le côté militant, @Nouvelle donne, la @Fédération des acteurs de la solidarité, l’@uniopss, l’@association collectif santé en danger
Côté média, le @media social !
Et enfin, pour le côté juridique : @Sabrina Alloun –  Juriste spécialisée en droit du handicap

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