Thomas Fanari, Chef du pôle communication et développement du Musée National du Sport
Parlez-nous de vous !
Bonjour, il est toujours difficile de débuter une présentation, surtout quand elle nous concerne. Je suis responsable de la communication, du développement et de l’événementiel du @Musée National du Sport. Depuis 2013, cet établissement est situé à Nice (06) au cœur du stade Allianz Riviera. Il dépend du @ministère chargé des sports et bénéficie donc d’une situation tout à fait unique puisqu’il est tout simplement le seul musée national consacré au sport en France. En mêlant sport, histoire et société, son objectif est de sensibiliser et de valoriser le sport et ses nombreux aspects positifs. Plus de 45 000 objets et 400 000 documents composent ses collections, extrêmement variées puisqu’elles comprennent à la fois des objets de sportifs, des œuvres d’art, des archives, des trophées, etc. Tout ce qui concerne le fait sportif nous intéresse !
Mon rôle est donc de valoriser ce musée si particulier en essayant de le rendre le plus attractif possible.
Il est assez difficile de mêler sport et culture, deux mondes qui peuvent parfois paraître opposés. Nous avons évidemment plusieurs enjeux et objectifs de communication et de développement : notoriété, image, fréquentation, ressources propres, etc.
J’ai débuté cette aventure quelques mois avant l’ouverture du Musée National du Sport à Nice et je suis toujours aussi motivé par ce challenge. Je suis arrivé seul en tant que chargé de communication et aujourd’hui, nous sommes quatre (bientôt cinq) au sein d’un service communication et développement qui a bien grandi en 10 ans. Pour la première fois depuis l’ouverture à Nice, nous devrions dépasser la barre des 100 000 visiteurs sur l’année.
Le sport est mon secteur de prédilection, j’ai fait mes études en STAPS (fac de sport) puis un master en communication et événementiel, toujours spécialisé dans le milieu sportif. J’ai toujours imaginé travailler dans ce secteur et j’ai eu la chance de pouvoir le faire depuis le début de ma carrière. Avant mon emploi actuel, j’ai notamment travaillé pour la @Fédération Française de Triathlon, pour le @Comité Régional Olympique et Sportif Côte d’Azur et pour @l’Ironman de Nice (triathlon longue distance). Même si je pense avoir progressé dans ma connaissance des musées, je suis clairement le sportif de l’équipe et même pire le « footeux de base » comme on m’appelle parfois (j’espère avec un peu d’affection).
Quel événement, anecdote ou rencontre a le plus marqué votre parcours professionnel ?
J’ai eu trop de belles rencontres pour n’en ressortir qu’une, ce serait trop injuste. Partons donc sur l’événement car l’événementiel est l’un des aspects qui me passionne le plus dans mon métier car c’est ici que les émotions sont les plus intenses. L’augmentation de la charge de travail, le stress, l’adrénaline, la fatigue… Toutes les conditions sont réunies pour que les sentiments, positifs ou négatifs, soient exacerbés. Je me souviens donc de tous mes événements, ils m’ont tous marqué. Si je devais en ressortir un ce serait peut-être le premier. J’avais 20 ans, c’était sur l’Ironman de Nice. Je n’étais que stagiaire mais j’avais adoré être impliqué dans l’organisation d’un grand événement comme celui-ci.
Au moment du départ de la course, à 6h30 du matin, j’avais les yeux remplis de larmes au moment où les 2 500 concurrents se sont lancés. Je me suis dit qu’à mon niveau j’avais œuvré pour que ce moment puisse avoir lieu.
J’ai alors compris que je voulais absolument revivre des moments comme celui-ci.
L’événementiel est un peu moins présent dans mon travail aujourd’hui mais je reste fortement marqué. J’ai conservé ce fonctionnement spécifique, en mode « projet », et j’ai besoin d’être stimulé par une échéance, par un résultat à obtenir en fonction d’un délai contraint. Même dans mes missions de communication actuelles, je pense que je suis plus efficace quand je travaille sous cette pression de l’échéance qui se rapproche.
Quels sont les enjeux et défis de votre secteur et comment la communication y répond ?
Notre modèle est assez unique donc les défis sont multiples. Un musée qui traite du sport ne peut pas se comporter comme un musée classique.
Notre situation est finalement très ambiguë : nous sommes un musée national mais décentralisé, nous traitons de sport mais dans un lieu dévolu à la culture, nos collections sont variées et principalement ethnologiques mais comme nous sommes dans un stade, nous sommes forcément identifiés comme un musée du football ou de club….
Face à cela, notre enjeu est de cultiver cette spécificité et d’en faire un atout. Il y a quelques années, l’OGC Nice avait mené une campagne de communication sur la thématique « cultivons notre différence », je pense que cela nous correspond bien.
Notre volonté est donc de proposer un site multifonctions unique en France, un lieu à la fois interactif, ludique et divertissant, résolument tourné vers l’émotion. Même si le travail n’est absolument pas terminé, nous avons progressé en termes de notoriété. Mais pour attirer jusqu’à nous, pour inciter le visiteur à découvrir ou redécouvrir le musée, nous pensons qu’il est important de créer des prétextes. Notre activité reste principalement liée à nos collections et à nos expositions mais nous y ajoutons de nombreuses activités : nous accueillons les bébés dès 6 mois lors des séances de baby-gym, nous organisons une quinzaine d’anniversaires par semaine, nous proposons des rencontres avec des sportifs de légende, nous privatisons nos espaces pour les ouvrir aux entreprises et aux associations… Nos moyens sont assez limités mais nous compensons par une volonté constante de créer l’événement et de se démarquer.
Bien évidemment, la communication est pleinement intégrée à cette stratégie d’établissement. Nous cherchons à valoriser chacune de ces actions et n’hésitons pas à porter certains projets. L’organisation du musée est déclinée en 5 grands services et au risque de tomber dans la métaphore sportive un peu simpliste, tout le monde se met au service du collectif et apporte sa pierre à l’édifice pour tenter d’atteindre l’objectif.
Vous reconnaissez-vous dans le terme de Business Partner ? Qu’est-ce que ça évoque ou signifie pour vous ?
Je m’y reconnais complètement. Déjà, il faut savoir que même si nous sommes une institution publique, notre mode de fonctionnement est parfois très semblable à une structure privée. Nous avons défini avec notre ministère de tutelle un « contrat d’objectifs et de performances » (COP). Ce document pluriannuel fixe les objectifs du musée à l’aide d’indicateurs de performance variés et appliqués en fonction des activités du musée. Le COP contient par exemple des objectifs en termes de fréquentation, de recettes, de maîtrise budgétaire ou d’activité. Nous venons de clore la période 2024 avec l’échéance des Jeux de Paris 2024 et travaillons désormais sur le nouveau contrat qui courra jusqu’en 2030, date des prochains Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver, qui se dérouleront à nouveau en France. Notre budget de fonctionnement, le maintien (ou le développement) de nos activités dépendent donc directement de ce COP, qui doit être approuvé et visé chaque année par notre Conseil d’Administration.
Les aspects communication et marketing sont pleinement intégrés à ce document. Durant la phase de rédaction, tous les responsables de services sont regroupés et nous discutons avec notre direction sur l’ensemble des sujets stratégiques à moyen et long terme. Cette méthode de gouvernance est une chance pour l’établissement et elle est très appréciée par l’équipe de direction du musée. Elle nous permet d’avoir des échanges riches, construits, avec une réelle pluralité de points de vue. Les décisions qui en découlent sont donc prises en toute connaissance de cause, après avoir bénéficié de nombreux conseils et avis, qui peuvent être à la fois internes et externes à l’institution.
Cette gouvernance participative se retrouve dans chacune des décisions stratégiques de l’établissement par exemple lorsque nous devons choisir les thématiques des prochaines expositions, étudier notre grille tarifaire, connaître nos visiteurs et leurs attentes…
En ce sens, je pense que nous agissons pleinement comme des business partners en faisant bénéficier la structure de notre vision, d’une certaine expertise (du moins je l’espère), en étant intégré dans les comités de direction et dans les processus de décision.
En agissant en tant que business partner, j’ai la conviction que la communication est plus cohérente et plus utile à la vision stratégique globale de l’établissement.
La communication ne peut plus être vue comme une activité isolée, qui intervient en bout de chaîne, avec une demande déconstruite ou déconnectée.
Considérez-vous l’IA comme un accélérateur ou un détracteur ?
Les possibilités offertes par l’IA sont infinies, nous ne sommes qu’au début du processus. C’est un domaine qui m’intéresse beaucoup, qui m’interroge aussi. En quelques années, il me semble que nous avons déjà assisté à plusieurs révolutions. J’ai du mal à imaginer jusqu’où cela va nous embarquer mais il me semble impensable de refuser de monter dans le train.
Je trouve inutile et déraisonnable d’y être opposé par principe. Chat GPT et Gemini par exemple peuvent être précieux même si je considère qu’il faut conserver une distance avec ces outils. Je les utilise comme une aide, un apport de contenus, jamais comme un produit fini. Nous devons être capables de faire le tri parmi les résultats, de les modérer, de les critiquer et in fine, de nous en détacher. De mon point de vue, l’expertise humaine reste donc essentielle.
Ce même esprit critique est aussi une réponse aux risques de l’IA. Il me semble plus que jamais nécessaire de nous interroger, de questionner et de vérifier les contenus qui sont à notre disposition pour limiter les fakes/tromperies liés à l’IA.
Au Musée National du Sport, nous menons actuellement un ambitieux projet, coordonné par le service des publics de l’établissement et avec le soutien du @Département des Alpes-Maritimes. Avec la société « @Ask Mona », spécialisée dans les milieux culturels, nous intégrons de l’IA dans tout le parcours visiteur. Avant la visite, un bot répond désormais aux questions sur notre site internet puis à l’intérieur du musée, l’IA permettra très prochainement de délivrer du contenu enrichi, de traduire les textes explicatifs et les vidéos, ou encore de proposer des parcours de visites interactifs, adaptés aux besoins des visiteurs. Enfin, après la visite, nous offrons désormais la possibilité de conserver un souvenir du musée et de continuer à découvrir les collections du Musée National du Sport en achetant un magnet bénéficiant de l’IA en boutique.
Ce type de projet transversal est une réelle valeur ajoutée à la visite classique. Il apporte de l’histoire, facilite la compréhension, implique le visiteur et permet d’aider à ressentir l’émotion inhérente au sport. Comme je le disais, nous n’en sommes qu’au début mais c’est déjà énorme.
Que donneriez-vous comme conseils à un ou une futur(e) dircom pour prendre sa place de Business Partner ?
Dans le prolongement de ma réponse à la question précédente je vais lui conseiller de douter. Non seulement par rapport aux risques induits par l’IA mais aussi parce que j’estime qu’il est sain de se questionner, de s’interroger sur nous-mêmes, sur nos actions, sur notre rôle. Notre société actuelle est très clivante, tend à nous pousser à avoir des avis tranchés sur tout. Tout n’est pas tout blanc ou tout noir et la nuance a parfois du bon.
En tant que business partner, on a aussi le droit de ne pas savoir, de ne se faire un avis qu’après avoir écouté d’autres arguments ou points de vue.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, je crois que la compétence ne doit pas ôter la nécessité du doute, au contraire. Loin de moi l’idée de faire l’apologie de l’inaction et de l’immobilisme mais avec l’expérience, je pense qu’on apprend à prendre ce temps de réflexion nécessaire, celui qui nous permet finalement de prendre les bonnes décisions ou de délivrer les bons conseils, au bon moment.
Minute inspiration : qui recommanderiez-vous de suivre ?
Compte tenu de ma passion pour le sport, je pense que vous ne saurez pas surpris de ma lecture quotidienne de @L’Equipe. @Newstank Sport est un autre média très intéressant, qui permet de suivre les actualités et les orientations de la filière économique du sport.
De manière plus générale, on trouve de nombreux contenus intéressants sur LinkedIn. Ce que vous faites avec @Take Your place en est un exemple, il faut profiter de ce réseau. Sur un autre aspect de notre métier, j’ai dernièrement écouté les podcasts de @Marine Deck sur la relation client et je les ai trouvés très intéressants.