Céline Branaa-Roche, Responsable communication, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme
Parlez-nous de vous !
Je suis depuis bientôt dix ans Responsable communication de la @Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). J’ai allié dans ce poste mon engagement pour les droits humains et le métier dans lequel je m’épanouis : la communication.
Pour évoquer mon parcours, j’utiliserai trois mots : « choix », « rencontre » et « humain ». .
Je fais le choix de faire des études de droit international, avec une attention particulière sur le droit international des droits de l’Homme, je débute une carrière de juriste chez Amnesty International France. Je fais le choix de quitter le monde associatif, de faire un master à l’ESCP, pour faire bouger, de l’intérieur, les entreprises sur l’enjeu majeur du respect des droits humains. Et c’est en Pologne, dans le cadre d’un volontariat international en entreprise pour Peugeot, que je « rencontre » la communication et où l’évidence s’impose que j’ai ma place dans ce métier-là. Je poursuis ma carrière chez Peugeot, même si j’ai trouvé le métier qui me passionne, communiquer pour les voitures n’a plus de sens. Je quitte Peugeot pour m’engager au service d’une association, d’un projet tourné vers les droits humains.
Et je rejoins L’Arche, une fédération d’associations qui créent des lieux de vie partagée pour des personnes handicapées mentales et d’autres personnes. Novembre 2014, je reçois un message via LinkedIn de Michel Forst, alors secrétaire général de la CNCDH, et que j’avais rapidement rencontré lorsque j’étais chez Amnesty, qui m’invite à postuler pour devenir responsable communication de la CNCDH.
La CNCDH existe depuis 1947, c’est une institution publique indépendante qui a pour mission de veiller au respect de tous les droits humains pour toutes les personnes en France. J’ai pour mission de faire connaître les recommandations de la CNCDH en premier lieu aux pouvoirs publics – parlementaires, gouvernements, administrations pour qu’ils s’en saisissent et fassent évoluer le cadre légal et les pratiques, en second lieu aux titulaires des droits, aux associations, aux professionnels du droit pour qu’ils puissent se défendre et protéger les droits. J’accompagne aussi les actions d’Éducation aux droits humains.
Quel événement, anecdote ou rencontre a le plus marqué votre parcours professionnel ?
Les personnes handicapées, une rencontre, des rencontres qui ont façonné ma vision du métier de communicante et ma posture de manager.
Rencontrer puis travailler pour et avec les personnes handicapées mentales m’ont amenée à me déplacer, à déplacer, redéfinir mon regard sur les autres et sur moi, à plus et mieux écouter, à apprendre à garder le silence pour comprendre et apprendre, à apprendre à faire et imaginer différemment avec les autres.
J’ai fait l’expérience du fait que l’Autre pense différemment, peut avoir une logique différente, et qu’il me revient à moi d’imaginer le chemin à prendre pour la ou le faire bouger dans ses convictions ou pour que nous nous rejoignions.
Ce sont des clés que j’essaie d’utiliser dans le tourbillon que peut être le quotidien d’une responsable communication.
Quels sont les enjeux et défis de votre secteur et comment la communication y répond ?
J’identifie deux enjeux majeurs pour la CNCDH, pour lesquels la communication joue un rôle premier.
Un enjeu très institutionnel est que la CNCDH soit mieux connue et identifiée comme un acteur incontournable et un partenaire pour les pouvoirs publics dans l’élaboration des politiques publiques. Je dois donc trouver des canaux directs pour les contacter, susciter leur attention et qu’ils s’appuient sur nos travaux et produire des supports qu’ils auront envie d’ouvrir et d’utiliser. Il y a les canaux formels des mails, des remises officielles, des newsletters.
Mais il y a surtout l’humain, la personne derrière le poste, la fonction, l’étiquette.
C’est ce levier là que j’utilise aussi pour faire bouger les sujets, avancer les projets. C’est un levier à utiliser avec justesse, mais c’est un levier essentiel.
Un autre enjeu clé pour moi est de permettre aux titulaires des droits, dont certains sont violés, de comprendre qu’ils ont des droits et qu’ils peuvent se défendre et demander à la justice de les protéger ou de réparer les préjudices. Les avis de la CNCDH sont compliqués, longs, parfois écrits dans un langage très juridique. Je dois créer d’autres supports et utiliser les bons canaux pour toucher les personnes concernées, souvent en situation de vulnérabilité, de fragilité, voire d’exclusion. A moi de rendre le très juridique accessible et compréhensible, nous créons des vidéos, des infographies, des brochures, des documents en langage Facile à Lire et à Comprendre (FALC).
Vous reconnaissez-vous dans le terme de Business Partner ? Qu’est-ce que ça évoque ou signifie pour vous ?
Dans mon cas, je peux remplacer « Business Partner » par « Mission partner ». Depuis bientôt dix ans, je suis arrivée à faire en sorte que la Communication ne soit plus ni la mission « du bout du couloir » ni la mission « au service de la présidence ». Aujourd’hui, c’est une relation de partenariat que j’ai construite avec tous membres du secrétariat général : je contribue à la veille sur les thématiques qu’ils suivent, elles et ils m’alertent sur tel ou tel texte, prise de position qui fait écho à des recommandations de la CNCDH.
Pas un seul jour sans que je ne « négocie » avec un des conseillers juridiques pour que mon tweet que je veux court et impactant soit correct sur le plan du droit.
La situation est différente avec les membres de la CNCDH (issus de la société civile, du monde universitaire, d’institutions internationales…) qui forment l’organe politique de notre institution. Si la communication est vue comme une fonction importante, elle n’est pas encore identifiée comme un pilier stratégique. Si elle est abordée en réunion (Si…), c’est encore le plus souvent à la fin pour meubler quelques minutes restantes. Les choses bougent, doucement.
Considérez-vous l’IA comme un accélérateur ou un détracteur ?
J’y vois comme beaucoup des outils qui permettent de gagner du temps, de palier des compétences que nous n’avons pas.
Mais parce que j’en connais aussi les dangers et les dérives en matière de droits humains à travers nos avis, je vois aussi des dangers, à tout le moins, des points d’alerte. L’IA peut contribuer à uniformiser la pensée, à propager les mêmes narratifs, les mêmes discours, notamment complotistes ou de rejet de l’Autre. Les systèmes d’IA ne connaissent pas l’histoire de nos institutions, l’évolution de notre positionnement, des mots que nous utilisons… Il est de ma responsabilité de garantir que les supports que je crée, les posts que j’écris, si je les fais évoluer, soit aussi le reflet de l’identité, de l’histoire et des valeurs de la CNCDH, de la diversité de nos membres notamment.
Que donneriez-vous comme conseils à un ou une futur(e) dircom pour prendre sa place de Business Partner ?
OSER, oser, oser, oser…
Ce mot a guidé ma carrière, il guide mon quotidien. Une personnalité qu’on n’ose pas contacter, une école à laquelle on n’ose pas proposer un partenariat, une salle qu’on n’ose pas tenter de réserver…
Il y a de nombreuses portes que l’on imagine fermées ou des fenêtres qu’on imagine occultées. Et si la porte s’ouvrait ? et si derrière cette porte il y avait une rencontre inédite, des créations uniques par des étudiants talentueux ?
Et au pire la porte ne s’ouvre pas et nous avons un « non » ou pas de réponse, nous avons perdu 5, 10 minutes peut-être plus si on a retourné mille fois le message avant de l’envoyer. Mais nous avons tant à gagner quand on ose la rencontre. C’est le plus palpitant de notre travail, nous avons la possibilité de construire des passerelles inédites. J’adore ça.
OSER c’est le maître mot que je transmets aux jeunes avec lesquels j’échange via la plateforme @MyJobGlasses.
Minute inspiration : qui recommanderiez-vous de suivre ?
Pour un moment Philo je recommande @Marie Robert, qui est présente sur LinkedIn et sur Insta (le compte @Philosophieissexy), pour un moment « action », le podcast « Chaleur humaine » qui nous rend acteur de la transition écologique, pour de belles rencontres, le podcast « Nouvelles héroïnes » avec @Céline Steyer, pour l’inspiration com’ le @Decodeur de la communication.