Anne-Lise Soleil, Directrice de la Communication et des Relations Publiques de Philips France
Parlez-nous de vous !
J’ai un parcours assez atypique puisque j’ai exercé dans plusieurs secteurs tous bien différents. De la chimie à la santé en passant par l’automobile ; sur un périmètre France ou international. Des expériences toutes très enrichissantes qui m’ont chacune permis d’affiner les différentes facettes de ce métier si passionnant qu’est celui de la communication, tout comme la façon de se positionner au sein d’une entreprise en fonction de sa mission.
Je suis, depuis 1 an, Directrice de la Communication et des Relations Publiques pour @Philips France, qui s’est restructurée, il y a de cela une dizaine d’années pour se concentrer, aujourd’hui, sur ses activités santé et bien-être. Nous sommes leader dans l’imagerie diagnostique, les ultrasons, la thérapie guidée par imagerie, l’informatique clinique, et la santé personnelle.
La marque Philips, très connue du grand-public, perdure aujourd’hui mais ce sont des sociétés tierces qui la commercialisent. Les enjeux de réputations sont donc énormes car quelque part, nous ne sommes pas connus pour ce que nous faisons désormais.
Ma mission est de (re)positionner Philips au cœur de l’écosystème de la santé et plus particulièrement de la e-santé en travaillant un maillage d’acteurs et de leaders pour affirmer notre rôle clef dans l’innovation en santé.
Elle est également de répondre à nos enjeux business pour nous permettre d’être pleinement perçus comme un acteur de la santé.
Je suis là également pour travailler avec et pour la Présidente de Philips France au regard de son positionnement et de sa notoriété propre.
Je dirais que je suis vraiment au cœur de la machine car je travaille quotidiennement pour servir les intérêts de l’entreprise et de sa présidente. Je suis à la fois une Corporate Partner et une Business Partner.
Quel événement, anecdote ou rencontre a le plus marqué votre parcours professionnel ?
Lorsque j’étais Responsable de la communication pour un équipementier automobile japonais, j’ai dû faire face à plusieurs écueils : j’étais une jeune femme, qui exerçait un métier mal-compris, dans un monde rigide et masculin.
Un jour, un des Directeurs m’a fait une réflexion sur ma tenue. Ma robe ce jour-là lui plaisait moins que celle de la veille. Alors outre le fait que ce type de réflexion est inappropriée, je me suis demandée s’il ferait cette même réflexion à la Directrice Finance qui portait souvent, elle-aussi, des robes.
Cette réflexion posait surtout la question du positionnement de ma fonction dans l’entreprise. J’ai dû faire évoluer ma posture, pour faire évoluer celle de ma fonction.
Lorsque l’on est sur ce type de poste, il faut être en maîtrise de soi. Il faut muscler son discours, éduquer, savoir s’adapter. On travaille en sous-marin. On travaille sur des sujets qui ne sont pas palpables, pas directement visibles.
On ne fête pas une belle visibilité dans Le Figaro comme on fête la signature d’un deal. Et pourtant, l’un nourrit l’autre, mais c’est à nous, communicants, de faire savoir en quoi nous avons un impact.
Ce qui est difficile, c’est que c’est un éternel recommencement parce qu’en fonction de sa mission, nous devons prendre notre place au regard de cette dernière. Sans cesse.
Quels sont les enjeux et défis de votre secteur et comment la communication y répond ?
Le secteur de la santé est un secteur passionnant mais difficile, contraint et qui fait face à des enjeux majeurs pour les populations actuelles et futures. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, les besoins en santé vont croissants et les systèmes de soins font tous face à des pénuries de personnel.
L’équation est rapide à faire… Les systèmes de soins, et celui de la France en particulier, sont sur un fil.
Les industriels de la santé doivent communiquer davantage pour accompagner la transformation du système auprès des acteurs de la santé. Mon rôle, qui passe d’abord par un gros travail de communication institutionnelle, vise à (dé)montrer comment l’innovation technologique est le moteur de la transformation du système de santé.
De (dé)montrer que la mission d’un industriel a changé, parce que les enjeux en santé ont changé. Je dois créer du lien et donner du sens à des relations qui, historiquement, n’allaient pas de soi. A savoir comment on travaille avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème pour créer un cercle vertueux entre l’innovation et sa concrétisation.
Je m’adresse donc à des cibles qui ne se parlaient pas directement : les professionnels de santé, les Directeurs d’établissements, publics ou privés, les agences institutionnelles, les décideurs économiques ou institutionnels…
Il est nécessaire également d’embarquer les équipes dans cette nouvelle aventure car nous parlons aussi d’une entreprise qui a changé de visage. Acculturer les équipes en interne est clé.
Vous reconnaissez-vous dans le terme de Business Partner ? Qu’est-ce que ça évoque ou signifie pour vous ?
Longtemps, je n’ai pas été dans cette posture car cela n’était pas (vraiment) ma mission. J’ai longtemps évolué dans des strates uniquement « Corporate ». Pour autant, j’ai toujours eu l’impression qu’il manquait quelque chose pour faire cranter la stratégie de communication et le positionnement du communicant. Pour mettre du liant. Pour créer les conditions nécessaires, en termes de visibilité, pour répondre aux objectifs de croissance. C’est effectivement cette notion de Business Partner.
Notre job est en cela passionnant car nous sommes à la frontière de nombreux autres métiers comme notamment le marketing d’un côté et les RH de l’autre. Avec le Business tout autour de nous.
Être un business partner, c’est se connecter physiquement au business pour faire de la réputation un véritable outil de croissance.
Ce positionnement n’est pas si facile parce qu’il sous-entend que l’on doit changer de paradigme. On doit déplacer le curseur de la relation. Nous ne sommes pas au service de, nous accompagnons à.
Cela demande de créer un cadre clair, qui découle de notre stratégie de communication, et de faire intervenir le business à l’intérieur de ce cadre, non pas au regard de ses besoins propres et uniques, mais en fonction de ce qui va servir la stratégie.
C’est pour moi la seule manière de générer de l’impact dans les actions de communication.
Être un business partner, c’est savoir positionner le curseur au bon endroit.
Considérez-vous l’IA comme un accélérateur ou un détracteur/risque ?
Je considère que l’IA est un accélérateur de progrès en général. Je ne suis pas encore très familière des outils d’IA relatif à la communication. Aujourd’hui, je vais l’utiliser pour m’aider à faire des recherches pour nourrir la connaissance que je dois avoir de l’écosystème dans lequel j’évolue. Et en matière de santé numérique, cela va à un rythme fou !
Mais je pense que l’IA va aider les communicants à être davantage reconnus dans les organisations. Car qui ne s’est jamais entendu dire : « toi qui bosses dans la comm, tu peux me faire un logo ? toi qui fais de la comm, comment je peux rendre ma prez jolie ? tiens, la comm interne, vous pouvez faire un film pour Noël ??? »
Ces outils aideront les futurs communicants à être reconnus pour leur capacité à définir et déployer des stratégies pertinentes au service des objectifs de leurs organisations. Car tout le monde pourra générer son propre logo tout seul avec l’IA !
Que donneriez-vous comme conseils à un ou une futur(e) dircom pour prendre sa place de Business Partner ?
Je pense que pour exercer, en tout cas pour réussir dans ce métier, il faut faire preuve d’intelligence émotionnelle.
Travailler des relations de qualité avec l’ensemble des collaborateurs est nécessaire, être dans une réelle proximité avec la direction et le business est clé mais il faut surtout savoir s’adapter à son interlocuteur.
Quand bien même l’objectif, la mission d’une entreprise est commune à chaque business, chacun des Directeurs est différent. Il faut savoir s’adapter : éduquer l’un, écouter l’autre. Se demander comment on capte les attentes. Et cela passe par comprendre la façon dont on approche l’un ou l’autre.
Cela s’apprend. Cela se nourrit, quotidiennement, car le communicant est toujours sur un fil, en équilibre.
Et je dirais aussi qu’il faut oser, avoir de l’audace. Ne pas craindre de défaire et de refaire. Et faire preuve de patience, toujours.
C’est grâce à ces ingrédients là que l’on peut s’inscrire sur le temps long.
Minute inspiration : qui recommanderiez-vous de suivre ?
Sur le secteur de la santé :
- @Rémy Teston, pour ces panoramas utiles sur le secteur de la e-santé
- @Nathalie Lahitte, pour ses podcasts énergiques qui mettent en avant les Leaders en santé et leur parcours
Pour dézoomer :
- Le podcast de la Tribune, @Les Héritières. De l’inspiration et du mentoring à l’état brut.
- Je conseillerais aussi de lire @Caroline Fourest ou @Chloé Morin pour leur faculté à remettre de la nuance dans le débat, pour justement dézoomer, regarder les choses sous un autre angle. Tellement nécessaire dans notre métier.