Cyril Morteveille, Directeur de la communication et de l’événementiel de la Ville de Suresnes

Parlez-nous de vous !
Après une carrière de journaliste professionnel pendant plus de 12 ans en presse locale puis en agence de presse à l’AFP, j’ai décidé, pour des raisons à la fois personnelles, familiales et d’enrichissement professionnel de basculer dans la com. « Le côté obscur » pour les journalistes. Et un aller généralement sans retour. J’ai, d’abord, intégré le Conseil départemental des Yvelines en 2011 pour créer un magazine print qui n’existait plus. Là-bas, j’y ai découvert le métier et gravi un à un les échelons : chef de service, directeur adjoint, directeur. Puis début 2021, en période post-Covid, j’ai traversé la France pour prendre la direction de la communication de la Ville de Nîmes (Gard). Un formidable challenge pour sortir de sa zone de confort, se frotter au rythme infernal de la vie d’une commune de 150 000 habitants… et tenter d’apprendre l’art de vivre du sud de la France. Trois années et demie très fortes professionnellement. Mais une fois de plus, pour des raisons personnelles, j’ai décidé de remonter en Ile-de-France. Dans ce cadre, la Ville de Suresnes, que j’ai rejoint début septembre, m’a proposé un projet dans lequel je m’épanouis déjà.
Quel événement, anecdote ou rencontre a le plus marqué votre parcours professionnel ?
Des événements, on a la chance d’en couvrir beaucoup quand on fait nos métiers. Mais au final, ce qui reste, c’est l’humain. Je pense d’abord à tous ces collègues ou partenaires qui, au quotidien, se sont révélés extraordinaires et m’ont beaucoup appris. Mais il y a trois personnes qui m’ont particulièrement inspiré dans mon parcours : Capucine Barraud-Degouy et Jacques Prochazka, à l’époque dircom et conseiller com au Département des Yvelines, qui ont été les premiers, il y a dix ans, à me considérer comme un communicant et non plus comme un ancien journaliste. Et Philippe Debondue, dircom et manager émérite aujourd’hui DGA à Nîmes, auprès de qui je me suis senti grandir et devenir un vrai dircom.
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Quels sont les enjeux et défis de votre secteur et comment la communication y répond ?
Le rôle de communicant public consiste à valoriser l’action municipale et la qualité du service pour améliorer le quotidien des habitants. Et ce n’est pas une mince affaire. Car globalement, les collectivités territoriales peinent à délivrer leur message.
Seules les personnes déjà impliquées dans la vie locale – bénévoles, responsables ou membres d’associations, parents d’élèves… – suivent régulièrement notre actualité. Il faut donc faire preuve d’ingéniosité pour atteindre nos objectifs : promouvoir les initiatives et projets développés, mais aussi valoriser les acteurs locaux, renforcer le sentiment d’appartenance et l’attractivité du territoire. Et, in fine, défendre un programme politique. Pour cela, trois mots clés à mes yeux : proximité, pédagogie et transparence. On se doit d’expliquer et de rendre des comptes de l’action publique.
Communiquer, c’est certes choisir un angle, mais c’est informer, rassembler, ouvrir le débat. J’en ai assez de cette expression péjorative de « faire de la com » quand on parle des gens qui pratiquent la langue de bois ou cachent des choses.
Notre responsabilité est aussi de rendre à la com la noblesse qu’elle mérite. Et redonner confiance en la parole publique.
Vous reconnaissez-vous dans le terme de Business Partner ? Qu’est-ce que ça évoque ou signifie pour vous ?
La direction de la communication est évidemment un Business Partner, même si je préfère le terme de partenaire stratégique. Mais le rôle du directeur de la com est primordial pour cela. C’est lui qui doit prendre sa place auprès du top management et démontrer, par son expertise, ses arguments et sa capacité à dire non, de façon posée mais claire, que la com est un métier.
Qu’on ne met pas du bleu ou du rouge sur une affiche pour faire joli mais parce que cela répond à un objectif, une stratégie.
Et qu’il faut nous faire confiance, comme on fait confiance à un agent des routes sur la qualité de son enrobé ou à un informaticien sur le choix de ses solutions de développement. Sinon, la com, que chacun pense savoir maîtriser puisqu’il possède un compte Facebook, ne restera qu’une fonction support qui arrivera en bout de chaîne, et travaillera dans l’urgence en mettant la pression sur les équipes, lesquelles s’épuiseront et se décourageront. C’est une question de positionnement… et de persévérance car défendre ses idées et le professionnalisme de ses équipes est un travail du quotidien. La pédagogie, c’est aussi l’art de la répétition. Mais si l’on y parvient, l’assurance dégagée a souvent la conséquence paradoxale de rassurer son interlocuteur, qui comprend du coup très vite qu’il n’a finalement peut-être pas les compétences pour juger et qu’il vaut mieux laisser faire les experts.
Considérez-vous l’IA comme un accélérateur ou un détracteur/risque ? Comment l’utilisez-vous au quotidien ?
Il faut considérer l’IA comme un facilitateur de notre quotidien ; pas comme l’alpha et l’omega de tous les sujets.
Sur un strict plan éthique, on peut afficher une certaine prudence face aux possibles dérives de pensée unique ou autres. Mais il est trop tard pour se montrer réticent. L’IA est là et bien là ; il faut s’emparer du sujet si on ne veut pas paraître 80 ans dans deux ans. Alors j’essaie moi aussi de m’y mettre. Les comptes-rendus de réunion, la réalisation de supports de présentation, la recherche de photos ou éléments pour la création graphique peuvent être confiés à des outils comme Copilot, Chat GPT ou Mid Journey. A condition qu’il y ait toujours une intelligence humaine derrière pour relire, amender, personnaliser et remettre en perspective par rapport à son propre environnement.
Que donneriez-vous comme conseils à un ou une futur(e) dircom pour prendre sa place de Business Partner ?
Oser. Oser proposer des formats nouveaux et ne surtout pas s’auto-censurer en se disant que le DG ne validera jamais. Oser être soi et défendre ses idées en tenant tête aux dirigeants. Oser dire qu’on ne comprend pas au moment du brief initial. Oser se remettre en question et changer de direction si besoin. Ensuite, faire preuve de curiosité pour suivre les tendances, connaître ses interlocuteurs, leurs projets, leurs impératifs et leurs contraintes ; mais aussi de diplomatie pour expliquer les choses en ménageant les susceptibilités et ne pas entrer dans des conflits évitables. Enfin et surtout, fédérer son équipe. Un dircom n’est rien sans ses collaborateurs. Le poste veut que l’on passe beaucoup de temps en réunion mais il est primordial de dégager la majeure partie de son agenda à sa propre direction (souvent plus facile à dire qu’à faire). Le positionnement de la com, c’est un projet collectif. Seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin.
Minute inspiration : qui recommanderiez-vous de suivre ?
Pour la communication publique, le réseau Cap’Com et le mensuel Brief me semblent incontournables. Ateliers, rencontres, articles, formations, partage d’expérience : on se sent très vite moins seul. Pour son travail de pédagogie et de reconnaissance du métier dans les médias, je citerais Frédéric Fougerat. Sinon, pour la bienveillance et le respect qu’il défend dans le rapport à l’autre au travail, le compte Linkedin de Ghyslain Morvan, que je ne connais pas. Et pour s’épanouir dans son job, les podcasts « L’essentiel de Management » avec les conseils de la rédaction du magazine mensuel éponyme.